Comme pleurs de rosée, ta lettre, qu’en son bec, m’apporta la mouette rieuse,
a perlé l’or, l’ambre et le miel, que sont tes mots, dans la plaine bleue de mon
cœur . Je la lis, la relis, dans ma barque, rêveuse, sur l’étang de Scamandre
au soleil des rizières, et comme d’un lys embaumé, je m’en délecte .
A mi-voix je l’ai lue, au vent, mais en me réservant, les mots les plus précieux
tournant autour de notre amour, et tes paroles ont réjoui l’air de Camargue
autant que la chanson du soleil sur la mer. Les oiseaux de Mornès, en ont fait
un refrain sur lequel ont dansé toutes les fleurs de l’île ; les cigales déjà
le chantent, et pour en battre la mesure les chevaux ont martelé de leurs sabots,
les sables d’or, dans un galop d’orage.
Et moi, je te relis pour la énième fois, avant de débarquer sur le Radeau*
des aubes, notre paradis de lumière, où m’attend dans les airs, la messagère
ailée, laquelle emportera ma missive vers toi, te verra, t’entendra, humera ton
odeur, t’entrouvrira les lèvres de son bec ému afin d’y déposer le baiser d’amour
fou, que je l’aurai chargée de te donner pour moi .
*Radeau : En Camargue, îlot boisé sur un étang.