Terres de sang et de larmes, de soldats infestées.
Assourdissants youyous jusque dans la vallée.
Pleurs de femmes outragées dans de pauvres villages
Perchés sur des pitons accrochés aux nuages.
Officiers de vingt ans dans la hâte formés,
De gallons dérisoires tirant autorité.
Dos aux murs écroulés, alignés, des vieillards
Comme bêtes entravées, menées à l'abattoir.
Dans un ciel d'azur, comme pour des vacances
Des oiseaux de malheur mènent leur triste danse.
Ces corps calcinés, touchés par le napalm,
Peut-être, à certains, vaudront-ils une palme.
Rustres en bandes, armés de droit et de courage
Aux vergers, dévastés, ne laissant que feuillage.
Les treillis déformés et gonflés comme une outre,
Elle vient de pacifier, l'armée reprend sa route.
Nous étions quelques-uns, peu nombreux je le crains,
Assistant impuissant , avec désolation
A ce déferlement de haine et de passions
De garçons de vingt ans livrés à leurs instincts.
Elle n'avait pas douze ans, sa robe bariolée
Voilait un corps d'enfant de misères imprégné.
Pour m'offrir une orange, elle est venue vers moi
Et le ciel soudain retrouva son éclat
Depuis ce triste jour de larmes et de fange,
Lorsque,pour mes erreurs mon ciel se désenchante,
Comme un bouquet de fleurs, une main innocente
Surgit dans mon brouillard pour m'offrir une orange.